Buchenwald : légende et réalité

Mark Weber

L’article suivant, traduit de l’américain par Jean Plantin, a paru initialement dans la revue révisionniste américaine The Journal of Historical Review, vol. 7, n° 4, hiver 1986-1987, p. 405 417.

Buchenwald est considéré par beaucoup de monde comme l’un des plus tristement célèbres « camps de la mort » que l’Allemagne ait possédés pendant la guerre. Néanmoins, cette image soigneusement entretenue offre peu de ressemblance avec la réalité. Aujourd’hui, plus de cinquante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, ce camp mérite un autre regard plus objectif.

Histoire et fonction

Le camp de concentration de Buchenwald était situé sur une colline boisée, à l’extérieur de Weimar, dans ce qui fut jusqu’en 1990 l’Allemagne de l’Est. Il fut ouvert en juillet 1937. Jusqu’aux années de guerre, presque tous les détenus étaient des criminels professionnels ou des prisonniers politiques (la plupart d’entre eux d’ardents communistes). Quelques-uns des 2 300 détenus de Buchenwald furent amnistiés en 1939 à l’occasion du 50e anniversaire de Hitler. Quand la guerre se déclencha en septembre 1939 la population du camp était de 5 300. Elle s’accrut lentement jusqu’à atteindre 12 000 détenus au début 1943 puis augmenta rapidement à mesure qu’on amena de nombreux travailleurs étrangers, en particulier des Polonais, des Ukrainiens et des Russes, pour être employés dans la production de guerre [1].
Pendant les années de guerre, Buchenwald se développa en un vaste complexe de plus d’une centaine d’usines satellites, de mines et d’ateliers étendus sur une large partie de l’Allemagne. La plus importante de ces usines fut probablement l’usine souterraine de Dora, qui produisait des missiles V-2. En octobre 1944 elle devint le camp indépendant de Nordhausen (Mittelbau) [2].
Plusieurs milliers de juifs arrivèrent à Buchenwald de Hongrie et de plusieurs camps orientaux en 1944 et 1945. La plupart avaient été évacués par chemin de fer d’Auschwitz et d’autres camps menacés par l’avance de l’Armée rouge [3].
Le nombre des détenus s’accrut considérablement pendant les derniers mois de la guerre : 34 000 en novembre 1943, 44 000 en avril 1944 et 80 000 en août 1944. Un pic mensuel fut atteint à la fin de février 1945, moment où 86 000 détenus étaient entassés dans le camp fortement surpeuplé. Près de 30 000 détenus furent évacués de Buchenwald pendant la semaine qui précéda la prise de contrôle par l’armée américaine le 11 avril 1945. Au total 239 000 personnes furent internées dans le camp entre 1937 et avril 1945 [4].

Le commandant et sa femme

Le premier commandant, Karl Koch, dirigea Buchenwald de 1937 au début 1942, date à laquelle il fut transféré à Majdanek. Il se révéla un administrateur plein de brutalité et corrompu qui s’enrichit avec des objets de valeurs volés à de nombreux détenus, qu’il faisait ensuite tuer pour dissimuler ses vols. Le médecin du camp, Waldemar Hoven, assassina de nombreux détenus avec le concours de Koch et de l’organisation clandestine communiste du camp. Koch fut finalement inculpé de meurtre et de corruption par un tribunal SS, reconnu coupable et exécuté [5].
Sa femme, Ilse Koch, fut impliquée dans nombre des crimes de son mari, mais l’accusation grotesque selon laquelle elle aurait fait confectionner des abat-jour et d’autres articles à partir de la peau de détenus assassinés n’est qu’une fable. Cette allégation fut lancée par les membres de l’accusation des États-Unis lors du grand procès de Nuremberg [6].
Le général Lucius D. Clay, commandant en chef des forces américaines en Europe et gouverneur militaire de la zone d’occupation américaine de l’Allemagne de 1947 à 1949, réexamina avec soin le cas d’Ilse Koch en 1948 et découvrit que, quels qu’aient été ses autres méfaits, l’accusation concernant les abat-jour était sans fondement. Il commua sa peine de prison à vie en quatre ans d’emprisonnement et informa le ministère de la Guerre à Washington : « Il n’existe aucune preuve convaincante qu’elle [Ilse Koch] ait sélectionné des détenus pour l’extermination afin de se procurer des peaux humaines ou qu’elle ait possédé des articles faits en peau humaine. [7] » Interrogé en 1976, Clay se remémora l’affaire :

Nous avons jugé Ilse Koch. [...] Elle fut condamnée à la prison à vie, peine que j’ai commuée en trois [quatre] ans. Et il faut dire que notre presse n’aima pas ça du tout. Elle avait été anéantie par le fait qu’un reporter entreprenant qui avait d’abord pénétré chez elle lui avait donné le splendide nom de « chienne de Buchenwald », et qu’il y avait trouvé des abat-jour blancs qui, écrivit-il, étaient faits à partir de chair humaine.
Eh bien, il apparut qu’il s’agissait en réalité de peau de chèvre. Mais, au moment du procès, c’était encore de la chair humaine. Il était presque impossible pour elle de pouvoir bénéficier d’un procès équitable.
[...] Les Allemands se saisirent de sa personne et la condamnèrent à 12 ans de prison pour le traitement infligé à son propre peuple. Mais il ne s’agissait pas réellement d’un crime de guerre au sens strict du terme.
Et tel est le genre de choses dont nous devions nous occuper tout le temps [8].

L’existence des détenus

Il ne fait guère de doute que de nombreuses atrocités ont été commises contre les détenus à Buchenwald. Cependant, au moins une très grande partie d’entre elles furent commises, non point par les gardes allemands SS, mais par l’organisation clandestine communiste du camp qui acquit un contrôle interne presque total après 1943. Un document détaillé du 24 avril 1945 des services de renseignements de l’armée américaine intitulé : Buchenwald : A Preliminary Report a confirmé cette remarquable situation [9]. Cette analyse confidentielle est restée classifiée jusqu’en 1972.
Dans une courte préface, Alfred Toombs, chef des services de renseignements de l’armée qualifiait ce rapport secret d’ « un des plus importants exposés écrits jusqu’à présent sur un aspect de la vie dans l’Allemagne nazie » car il « raconte de quelle manière les prisonniers [de Buchenwald] eux-mêmes avaient organisé une terreur sanglante au sein de la terreur nazie ». L’exactitude d’ensemble du rapport avait été confirmée par des voies indépendantes, ajoutait Toombs.
Quand de très grands nombres d’étrangers commencèrent à arriver au camp pendant les années de guerre, notait le rapport confidentiel, les SS, à court de personnel, estimèrent nécessaire de déléguer une part encore plus importante de l’administration du camp aux détenus eux-mêmes. Dans la pratique, cela signifiait qu’en 1943 l’organisation communiste des détenus, bien structurée et disciplinée, avait virtuellement pris le contrôle total du fonctionnement interne du camp. Comme l’expliquait le rapport :

Les détenus privilégiés [trusties] jouissaient de larges pouvoirs sur leurs codétenus. Au début ils étaient choisis presque exclusivement parmi les criminels allemands. Cette période dura jusqu’en 1942. Mais, peu à peu, les communistes commencèrent à prendre le contrôle de cette organisation. Ils étaient les pensionnaires les plus anciens, ayant séjourné de 10 à 12 ans dans les camps de concentration [...]. Ils faisaient corps avec une remarquable ténacité alors que les éléments criminels ne recherchaient que leur propre bien-être individuel et avaient une faible cohésion de groupe. Les communistes maintenaient une excellente discipline et ils reçurent une part de responsabilité de l’extérieur du camp. Ils étaient intelligents et possédaient les qualifications techniques pour diriger les différentes industries établies au camp.
Leur marche en avant ne se fit pas sans résistance de la part des criminels, mais les criminels furent peu à peu éliminés du pouvoir, en partie par l’intimidation, et en partie grâce aux SS. De nombreux criminels furent tués par bastonnades, pendaisons ou par des injections de phénol dans le coeur ou d’air ou de lait dans les veines. Les injections étaient une spécialité du médecin du camp [Hoven], qui devint un partisan de la faction communiste.
[…]
En plus des positions clés dans l’organisation des détenus privilégiés, il y avait un certain nombre de places fortes communistes dans l’administration du camp. L’une était l’organisation d’approvisionnement en nourriture par laquelle les groupes favorisés recevaient des rations raisonnables tandis que d’autres étaient réduits au stade de la famine. Une deuxième était l’hôpital (Revier) dont le personnel était presque exclusivement composé de communistes. Ses installations servaient dans une large mesure à soigner les membres de leur parti. [...]. Une autre place forte communiste était la salle des effets (Effektenkammer). [...] [Chaque] détenu allemand privilégié obtenait de bons vêtements et de nombreux autres objets de valeur. Les communistes de Buchenwald, après dix ou douze ans dans les camps de concentration, sont habillés comme de prospères hommes d’affaires. Certains affectionnent des vestes en cuir et de petits bonnets ronds qui évoquent la marine allemande, apparemment l’uniforme de la révolution.

À la suite de cela :

[...] [Au] lieu d’un tas de cadavres ou d’une foule en désordre en train de mourir de faim, d’individus sans chef, les Américains [qui s’emparèrent du camp] trouvèrent une organisation disciplinée et efficace à Buchenwald. Le mérite en revient incontestablement au Comité du camp autoconstitué, un groupe purement communiste dominé par les leaders politiques allemands.
[...] [Les] détenus privilégiés, qui finirent par être presque exclusivement des Allemands communistes, avaient pouvoir de vie et de mort sur tous les autres détenus. Ils pouvaient condamner un homme ou un groupe à une mort presque certaine [...]. Les détenus privilégiés communistes ont été directement responsables d’une grande partie des brutalités commises à Buchenwald.

Les chefs de bloc communistes, notait le rapport, outrepassaient personnellement leurs droits et « forçaient parfois des blocs entiers à se tenir nu-pieds dans la neige pendant des heures, manifestement de leur propre initiative ». Les communistes tuèrent un « grand nombre » de détenus polonais qui refusèrent de se soumettre à leur autorité. Ils forcèrent les détenus français à leur remettre des milliers de colis de la Croix-Rouge. Le rapport mentionnait les noms de plusieurs chefs communistes du camp particulièrement brutaux.
Il confirmait que le médecin du camp, le Dr. Hoven, avait été un important allié des communistes qui tua de nombreux criminels et prisonniers politiques anticommunistes par des injections mortelles. Une équipe d’enquêteurs SS découvrit ses activités pendant la guerre et le condamna à mort pour meurtre. Cependant, en raison du manque critique de médecins dû à la guerre, on commua sa peine après qu’il eut effectué 18 mois de prison. Après la guerre, les communistes essayèrent de protéger leur allié, mais Hoven fut condamné à mort une seconde fois par un tribunal militaire américain et exécuté en 1948.
Les communistes du camp conservèrent d’étroites relations avec le parti communiste clandestin et bien organisé à l’extérieur. « Un détenu sortait régulièrement de Buchenwald pour établir le contact avec un messager communiste apportant nouvelles et instructions. Lié par sa loyauté au parti, l’homme du contact ne fit jamais usage de cette opportunité pour s’échapper personnellement. » L’organisation militaire communiste du camp possédait trois mitrailleuses, cinquante fusils et un certain nombre de grenades à main. Les communistes allemands vivaient mieux que n’importe quel autre groupe. « Encore à présent », notait le rapport, « on peut les distinguer du reste des détenus par leurs joues vermeilles et leur santé robuste, bien qu’ils aient séjourné dans des camps de concentration pendant beaucoup plus longtemps que les autres ».
Enfin, les auteurs du rapport mettaient en garde contre la notion simpliste et naïve selon laquelle on pouvait faire confiance aux anciens détenus et les aider, uniquement parce qu’ils avaient été internés dans les camps allemands. « Certains sont en fait des "bandits", des criminels originaires de toute l’Europe ou des travailleurs étrangers en Allemagne qui ont été pris en train de voler. [...]. Ils sont abrutis, déplaisants à regarder. Il est facile d’adopter la théorie nazie selon laquelle ce sont des sous-hommes. »
Un livre publié en 1961 par le « Comité international de Buchenwald » basé à Berlin-Est et dirigé par les communistes décrit avec fierté les activités pendant la guerre du réseau clandestin communiste du camp. Ce réseau possédait un journal clandestin, un émetteur radio illégal, un orchestre de détenus (qui jouait des chansons communistes), une grande bibliothèque et même une organisation militaire. Il tint des cérémonies communistes et des réunions politiques, et pratiqua un sabotage étendu de la production de guerre allemande [10].
L’ancien détenu de Buchenwald Ernst Federn, un juif, expliqua après la guerre comment l’organisation communiste du camp avait coopéré avec les SS pour accroître son propre pouvoir et éliminer les opposants et les indésirables. Il rappela que le chef de la section juive de l’organisation communiste du camp, Emil Carlebach, « avait déclaré tout à fait franchement que, pour lui, seuls ses amis [communistes] comptaient, que tous les autres pouvaient aussi bien mourir ». Federn rapporta qu’il avait personnellement assisté à deux actes de brutalité commis par Carlebach, qui fut doyen de block de 1942 à 1945. Dans un cas il avait ordonné la mort d’un codétenu juif pour avoir, prétendument, maltraité des détenus dans un autre camp. En une autre occasion Carlebach avait personnellement frappé à mort un détenu juif âgé de Turquie parce qu’il n’avait pu s’empêcher de se soulager à l’intérieur des baraquements [11].
De même, un Anglais qui passa 15 mois à Buchenwald rapporta après la guerre que l’organisation communiste du camp ne considérait pas qu’il valait particulièrement la peine de garder en vie les détenus juifs [12].
Ces dernières années, des organisations homosexuelles ont prétendu que des milliers d’homosexuels avaient été « systématiquement exterminés » dans les camps de concentration allemands. Bien qu’il soit vrai que nombre d’entre eux ont été internés en tant que criminels, aucun homosexuel n’a jamais été tué par les Allemands pour cette seule raison. Il est bon de rappeler également que, pendant les années 1930 et 1940, l’homosexualité était considérée comme un crime odieux dans la plupart des pays du monde, y compris aux États-Unis.
Un ancien détenu de Buchenwald se rappelait en 1981 : « [...]. Les homosexuels étaient opprimés par les nazis en raison de leurs moeurs sociales [...]. A Buchenwald, un grand nombre d’entre eux n’ont pas été tués par les nazis mais par des prisonniers politiques [des communistes], à cause du comportement agressif et choquant des homosexuels. [13] »
Les conditions au quotidien étaient bien meilleures que la plupart des descriptions ne voudraient le suggérer. Les détenus pouvaient recevoir et envoyer deux lettres ou cartes postales par mois. Ils pouvaient recevoir de l’argent de l’extérieur. Les détenus étaient également payés pour leur travail avec la monnaie spéciale du camp qu’ils pouvaient utiliser pour acheter une grande diversité d’articles à la cantine du camp. Ils jouaient au football, au handball et au volley-ball pendant leur temps libre. Les matches de football avaient lieu le samedi et le dimanche sur le terrain de sports du camp. Une importante bibliothèque offrait un grand choix de livres. Il y avait un cinéma très fréquenté. Il y avait également des spectacles de variétés et des groupes musicaux montaient régulièrement des concerts sur la place centrale. De nombreux détenus avaient accès au bordel, qui employait 15 prostituées à l’arrivée des Américains [14].

Une usine d’extermination ?

Les Américains qui arrivèrent à Buchenwald en avril 1945 découvrirent des centaines de détenus malades et de nombreux cadavres non enterrés dans le camp. D’horribles photographies de ces scènes macabres furent immédiatement diffusées à travers le monde et ont été largement reproduites depuis, donnant l’impression que Buchenwald était un centre de massacre diabolique.
Le gouvernement américain encouragea cette impression. Un rapport de l’armée américaine à propos de Buchenwald préparé à l’attention de l’état-major suprême allié en Europe et rendu public à la fin avril 1945 déclara que la « mission du camp » était d’être « une usine d’extermination » [15]. Et deux semaines après était publié un rapport du Congrès américain sur les camps allemands, utilisé plus tard comme document lors du procès de Nuremberg, qui décrivait Buchenwald comme une « usine d’extermination » [16].
Cette description, vraisemblable en apparence, est néanmoins complètement fausse. La grande majorité de ceux qui sont morts à Buchenwald ont péri pendant les derniers mois chaotiques de la guerre. Ils succombèrent à la maladie, souvent aggravée de malnutrition, malgré les efforts malheureusement insuffisants pour les garder en vie. Ils furent victimes, non d’un programme d’« extermination » mais plutôt du terrible surpeuplement et du sévère manque de nourriture et de produits pharmaceutiques dû à un effondrement général de l’ordre en Allemagne pendant la phase finale tumultueuse de la guerre.
À côté de ces victimes indirectes de la guerre se trouvaient de nombreux détenus en bonne santé. B. M. McKelway inspecta Buchenwald peu après la prise de contrôle par les États-Unis en tant que membre d’un groupe de directeurs et de rédacteurs de journaux américains. Il raconta que « beaucoup parmi les centaines de détenus que nous avons vus semblaient en bonne santé tandis que les autres, souffrant de dysenterie, de typhus, de tuberculose et d’autres maladies, n’avaient plus que les os et la peau » [17].
Une indication frappante de ce que Buchenwald n’était pas un camp d’« extermination » est le fait que certains des détenus étaient des enfants trop jeunes pour travailler. On a estimé qu’un millier de garçons, âgés de deux à seize ans, étaient logés dans les deux baraques spéciales réservées aux enfants. Des convois de trains d’enfants juifs arrivèrent de 1942 à 1945. Certains arrivèrent d’Auschwitz en 1943. D’autres enfants juifs vinrent de Hongrie et de Pologne [18]. Le rapport confidentiel de l’armée américaine du 24 avril 1945 notait le « spectacle des ’ plus remarquables offert par les enfants » qui « couraient dans tous les sens, hurlant et jouant » [19].
Trente ans après la guerre, le fameux « chasseur de nazis » Simon Wiesenthal a lui-même reconnu qu’« il n’y a pas eu de camps d’extermination sur le sol allemand » [20].

Le mensonge de la chambre à gaz

Le mensonge peut-être le plus haineux diffusé après la guerre à propos de Buchenwald est l’accusation selon laquelle les Allemands y avaient exterminé des détenus dans des chambres à gaz. Un rapport officiel du gouvernement français soumis au tribunal de Nuremberg à titre de pièce à conviction déclara avec une certaine dose d’imagination : « Tout était prévu dans ses plus petits détails. En 1944, à Buchenwald, on a même prolongé une voie ferrée pour que les déportés soient conduits directement jusqu’à la chambre à gaz. Certaines avaient un sol basculant qui déversait immédiatement les cadavres dans la salle du four crématoire » [21]. Le procureur en chef britannique lors du principal procès de Nuremberg, sir Hartley Shawcross, déclara dans son discours de conclusion que « le meurtre [avait été] conduit comme une industrie de production de masse dans les chambres à gaz et les fours » de Buchenwald et d’autres camps [22].
Dans un livre publié en 1947, le prêtre français Georges Hénocque, ancien aumônier de l’Académie militaire de Saint-Cyr, prétendit avoir vu l’intérieur de la chambre à gaz de Buchenwald, qu’il décrivit en détail. Cette histoire précise a été citée comme un bon exemple du genre de mensonges à propos de l’Holocauste que des personnalités même éminentes sont capables d’inventer [23].
Un autre prêtre français et ancien détenu, Jean-Paul Renard, fit une allégation identique à propos du camp dans son livre publié peu de temps après la guerre : « J’ai vu rentrer aux douches mille et mille personnes sur qui se déversaient, en guise de liquide, des gaz asphyxiants. » Quand son compatriote et ancien détenu de Buchenwald Paul Rassinier fit remarquer au prêtre qu’il n’y avait pas eu de chambre à gaz au camp, Renard répondit : « D’accord, mais ce n’est qu’une tournure littéraire... et, puisque ces choses ont quand même existé quelque part, ceci n’a guère d’importance. [24] »
Dans un ouvrage publié en 1948, l’écrivain juif hongrois Eugene Levai accusa les Allemands d’avoir tué des dizaines de milliers de juifs hongrois à Buchenwald dans les chambres à gaz [25].
Une brochure largement diffusée par l’Anti-Defamation League du B’nai B’rith a également répandu le récit selon lequel des gens ont été gazés à Buchenwald [26].
En 1960 on déclara officiellement que l’histoire des gazages à Buchenwald était une légende. Cette année-là, Martin Broszat de l’antihitlérien Institut d’histoire contemporaine de Munich déclara de manière précise que personne n’avait jamais été gazé à Buchenwald [27]. Le professeur A. S. Balachowsky, membre de l’Institut de France, déclara de même en novembre 1971 : « Je viens à vous confirmer qu’il n’existait pas de chambre à gaz dans le camp de Buchenwald. [28] » L’auteur Konnilyn Feig a admis dans son ouvrage Hitler’s Death Camps que Buchenwald n’avait pas de chambre à gaz [29]. Aujourd’hui, aucun historien sérieux ne prétend encore que des gazages se sont produits là-bas.

Combien ont péri ?

Le nombre de personnes qu’on a estimé avoir péri à Buchenwald pendant qu’il était sous contrôle allemand varie considérablement. D’après l’ancien détenu Elie Wiesel, le prolifique auteur juif et prix Nobel de la Paix en 1986, « [à] Buchenwald ils envoyaient chaque jour 10 000 personnes à leur mort » [30]. Cette déclaration extraordinairement peu sérieuse est, malheureusement, trop typique de la rhétorique spécieuse de l’homme qui a été choisi pour diriger l’Holocaust Memorial Council, organisme officiel dépendant du gouvernement américain.
L’édition 1980 de la World Book Encyclopedia prétendait que « plus de 100 000 personnes » sont mortes dans le camp [31]. L’Encyclopaedia Judaica situe le nombre à 56 549 [32]. Raul Hilberg a écrit dans l’édition 1982 de l’Encyclopedia Americana que « plus de 50 000 détenus sont morts dans le complexe de Buchenwald » [33].
Le rapport du 24 avril 1945 des services de renseignements de l’armée américaine (cité plus haut) notait que le nombre total des décès constatés était de 32 705 [34]. Un rapport détaillé de juin 1945 du gouvernement américain au sujet de Buchenwald situait le total à 33 462, dont plus de 20 000 étaient morts dans les derniers mois chaotiques de la guerre [35].
Le Service international de recherches d’Arolsen, qui fait autorité et qui dépend de la Croix-Rouge internationale, déclara en 1984 que le nombre des décès documentés (de juifs comme de non-juifs) à Buchenwald était de 20 671, et de 7 463 pour Dora (Mittelbau) [36].
Bien que ces chiffres moins élevés le soient encore regrettablement, il est important de réaliser que la grande majorité de ceux qui sont morts à Buchenwald furent les victimes malheureuses d’une guerre catastrophique et non de la politique allemande. La plupart des autres furent assassinés sur l’ordre de l’organisation communiste clandestine du camp. Plusieurs centaines furent également tués lors de bombardements alliés. Lors d’un seul raid aérien contre une grande usine de munitions près du camp central, les bombardiers britanniques tuèrent 750 personnes, parmi lesquelles 400 détenus [37].

Atrocités américaines et soviétiques

À la suite de la prise de contrôle de Buchenwald par les Américains en avril 1945, environ 80 gardes allemands et employés du camp qui étaient restés furent sommairement assassinés. Les détenus battirent à mort les Allemands avec brutalité, parfois aidés et encouragés par des soldats américains [38]. Entre 20 et 30 GI se relayèrent joyeusement pour battre à mort six jeunes allemands [39]. Des détenus réquisitionnèrent également des jeeps américaines et se rendirent dans la ville voisine de Weimar, où ils se livrèrent au pillage et tuèrent au hasard des civils allemands [40].
Après la guerre, la police secrète soviétique dirigea Buchenwald comme un camp de concentration pour les « ennemis de classe potentiels » et autres civils allemands « virtuellement dangereux ». En septembre 1949, plus de quatre ans après la fin de la guerre, il y avait encore 14 300 détenus dans le « camp spécial ». (Quand Buchenwald était sous contrôle allemand, le nombre des détenus n’atteignit pas 14 000 avant mai 1943.) Les conditions étaient horribles. Le responsable soviétique en charge des camps de concentration en Allemagne, le général Merkulov, convint lui-même de la grave absence d’ordre et de propreté, en particulier à Buchenwald. Au moins 13 000 et jusqu’à 21 000 détenus sont morts dans Buchenwald sous autorité soviétique, mais personne n’a jamais été puni pour les décès et les mauvais traitements infligés dans ce camp tristement célèbre de l’après-guerre [41].
Un ancien détenu a décrit ses « cinq années d’horrible isolement, d’humiliations, d’interrogatoires et d’anéantissement » dans le camp dirigé par les Soviétiques dans les termes suivants :

Les gens étaient de simples numéros. Leur dignité était sciemment piétinée. Ils étaient affamés sans pitié et dévorés par la tuberculose jusqu’à devenir des squelettes. Le processus d’anéantissement, qui avait été testé pendant des décennies, était systématique. Les cris et les gémissements de ceux qui ont souffert retentissent encore dans mes oreilles chaque fois que le passé me revient en mémoire dans mes nuits sans sommeil. Il nous fallait regarder impuissants les gens périr selon le plan – comme des créatures sacrifiées à l’anéantissement.
De nombreuses personnes anonymes furent happées par la machine d’anéantissement du NKVD [la police secrète soviétique] après la débâcle de 1945. Elles furent rassemblées comme du bétail après la prétendue libération et envoyées moisir dans les nombreux camps de concentration. Beaucoup furent systématiquement torturées à mort. Un mémorial a été construit pour les morts du camp de concentration de Buchenwald. On choisit un chiffre des victimes qui s’appuyait sur de la pure fantaisie. Intentionnellement, seuls les morts de la période 1937-1945 ont été honorés. Pourquoi n’y a-t-il pas de mémorial honorant ceux qui sont morts de 1945 à 1950 ? D’innombrables fosses communes furent creusées autour du camp dans la période d’après-guerre [42].

Dans un acte d’hypocrisie renversant, les dirigeants communistes d’après-guerre de la « République Démocratique Allemande » ont transformé la zone du camp de Buchenwald en une sorte de sanctuaire laïque. Chaque année, des centaines de milliers de personnes visitent le site, doté de musées, d’un clocher, d’une sculpture monumentale et de mémoriaux dédiés, assez ironiquement, aux « victimes du fascisme » [43]. Il n’y a rien pour rappeler aux visiteurs les milliers d’Allemands tombés dans l’oubli qui ont péri misérablement pendant les années d’après-guerre, quand le camp était dirigé par les Soviétiques.
L’histoire de Buchenwald, comme l’histoire de presque tous les camps de concentration allemands pendant la guerre, est un microcosme de tout ce qu’on raconte sur l’Holocauste. La description largement acceptée de Buchenwald, ainsi que celles des autres camps allemands, contraste fortement avec la réalité peu connue.


NOTES

[1]

Les informations de ce paragraphe proviennent de deux sources : « Buchenwald », Encyclopaedia Judaica, New York et Jérusalem, 1971, vol. 4, p. 1442, 1445 ; et : rapport B-2833 du 18 juin 1945 du gouvernement américain. Document 2171-PS, publié dans la « série rouge », Nazi Conspiracy and Aggression (NC&A), Washington, DC, 1946-1948, vol. 4, p. 800-833. 

[2]

Rapport du 25 mai 1945 de l’armée américaine. Document 2222-PS. Publié dans : NC&A, vol. 4, p. 860-864 ; « German-Born NASA Expert... », New York Times, 18 octobre 1984, p. Al, A12 ; « Ex-Nazi Denies Role... », New York Times, 21 octobre 1984, p. 8. 

[3]

Document 2171-PS. NC&A, vol. 4, p. 800-833. 

[4]

2171-PS. NC&A, vol. 4, p. 832-833.

[5]

Déposition de Günther Reinecke à Nuremberg, 7 août 1946. Publié dans la « série bleue » du TMI, Trial of the Major War Criminals Before the International Military Tribunal (IMT), Nuremberg, 1947-1949, vol. 20, p. 438, 441-442 ; dossier d’inculpation SS contre Karl Koch, 11 avril 1944. Document NO-2360. 

[6]

IMT, vol. 3, p. 514-515 ; vol. 5, p. 220-201 ; vol. 32, p. 267-269. 

[7]

« Clay Explains Cut in Ilse Koch Term », New York Times, 24 septembre 1948, p. 3.

[8]

Interview avec Lucius D. Clay. Official Proceedings of the George C. Marshall Research Foundation. Transcription de la vidéo d’une interview diffusée lors de la conférence « U.S. Occupation in Europe After World War II », 23-24 avril 1976 à Lexington (Virginie), financée par la George C. Marshall Research Foundation, p. 37-38. (Je suis reconnaissant à Robert Wolfe des Archives nationales d’avoir appeler mon attention sur cette interview.)

[9]

Egon W. FLECK & Edward A. TENENBAUM, Buchenwald : A Preliminary Report, U.S. Army, 12th Army Group, 24 avril 1945. Archives nationales, Record Group 331, SHAEF, G-5, 17.11, Jacket 10, Box 151 (8929/163-8929/180). Je suis reconnaissant à M. Timothy Mulligan de la branche militaire des Archives nationales d’avoir appeler mon attention sur ce rapport. Voir également : Donald B. ROBINSON, « Communist Atrocities at Buchenwald », American Mercury, octobre 1946, p. 397-404 ; et Christopher BURNEY, The Dungeon Democracy, New York, 1946, p. 21, 22-23, 28-29, 32, 33, 34, 44, 46, 49.

[10]

Internationales Buchenwald-Komitee, Buchenwald, Kongress, Berlin-Est, 1961.

[11]

Ernst FEDERN, « That German... », Harper’s, août 1948, p. 106-107. 

[12]

Christopher BURNEY, op. cit., p. 109, 124, 128-130. 

[13]

The Jewish Times [Baltimore]. Cité dans : « On the Holocaust », The Gay Paper [Baltimore], décembre 1981, p. 2. 

[14]

John MENDELSOHN, « Sources », Prologue [National Archives, Washington, DC], automne 1983, p. 180 ; Konnilyn G. FEIG, Hitler’s Death Camps, New York, 1981, p. 96 ; déposition de K. Morgen, 7 août 1946, IMT, vol. 20, p. 490 ; déposition le 12 novembre 1947 à Nuremberg (procès de l’IG Farben) de l’ancien détenu de Buchenwald Arnost Tauber. Reproduit dans : Udo WALENDY (éd.), Auschwitz im IG-Farben Prozess, 1981, p. 119 ; Roger MANVELL A. H. FRAENKEL, The Incomparable Crime, New York, 1967, p. 155 ; Buchenwald Camp : The Report of a Parliamentary Delegation, HMSO, Londres, 1945, p. 4, 5. 

[15]

« Official Army Report Lists Buchenwald as Extermination Factory », The Washington Star, 29 avril 1945, p. A7. 

[16]

Rapport du Congrès américain sur les camps, doc. 159-L, IMT, vol. 37, p. 605-626 ; et Congressional Record (Sénat), 15 mai 1945, p. 4576-4582.

[17]

B. M. McKELWAY, « Buchenwald... », The Washington Star, 29 avril 1945, p. Al, A7. 

[18]

Idem, p. A7 ; affidavit de H. Wilhelm Hamman du 6 mars 1947. NO-2328. (Hamman a été détenu de 1938 à avril 1945.) 

[19]

E. W. FLECK & E. A.TENENBAUM, Buchenwald : A Preliminary Report, 24 avril 1945 (cité plus haut), p. 14 ; voir également les photographies d’enfants juifs détenus à Buchenwald dans : Robert ABZUG, Inside the Vicious Heart, Oxford, New York, 1985, p. 148-149. 

[20]

S. WIESENTHAL (lettre), Books & Bookmen [Londres], avril 1975, p. 5.

[21]

Document de Nuremberg 274-F (RF-301). IMT, vol. 37, p. 148. 

[22]

IMT, vol. 19, p. 434 ; NC&A, vol. suppl. A, p. 61. 

[23]

Georges HENOCQUE, Les Antres de la Bête, G. Durassié, Paris, 1947, p. 115. Reproduit en fac-similé et commenté dans : Robert FAURISSON, Mémoire en défense contre ceux qui m’accusent de falsifier l’histoire, La Vieille Taupe, Paris, 1980, p. 185-191. 

[24]

Paul RASSINIER, Le Mensonge d’Ulysse, La Vieille Taupe, Paris, 1979 (1950), p. 133. 

[25]

Eugene LEVAI, Black Book on the Martyrdom of Hungarian Jewry, Zurich, 1948, p. 439.

[26]

Earl RAAB, The Anatomy of Nazism, ADL, New York, 1979, légende de la photographie en face de la page 21. Le mythe des gazages à Buchenwald a également été propagé dans : Francis TOMCZUK, « Days of Remembrance », American Legion Magazine, avril 1985, p. 23.

[27]

Die Zeit, 19 août 1960, p. 16 (édition américaine : 26 août 1960). 

[28]

Germaine TILLION, Ravensbrück, Le Seuil, Paris, 1973, p. 263. 

[29]

K. FEIG, op. cit., p. 100. 

[30]

Stefan KANFER, « Author, Teacher, Witness », Time, 18 mars 1985, p. 79. 

[31]

« Buchenwald », World Book Encyclopedia, édition de 1980, vol. 2, p. 550. 

[32]

« Buchenwald », Encyclopaedia Judaica, vol. 4, p. 1445. 

[33]

R. HILBERG, « Buchenwald », Encyclopedia Americana, édition de 1982, vol. 4, p. 677.

[34]

E. FLECK & E. TNENBAUM, Buchenwald : A Preliminary Report (cité plus haut), p. 18. 

[35]

2171-PS. NC&A, vol. 4, p. 801. 

[36]

Déclaration de Butterweck, officier de l’état-civil d’Arolsen, 16 janvier 1984. Fac-similé dans : Deutsche National-Zeitung [Munich], n° 18, 27 avril 1984, p. 10.  

[37]

Buchenwald Camp : The Report of a Parliamentary Delegation, op. cit., p. 5 ; 2171-PS ; NC&A, vol. 4, p. 821. 

[38]

Robert ABZUG, Inside the Vicious Heart, p. 49, 52. 

[39]

Marguerite HIGGINS, News Is a Singular Thing, Doubleday, 1955, p. 78-79.

[40]

Elie WIESEL, Legends of Our Time, Holt, Rinehart & Winston, New York, 1968, p. 140 ; Raul HILBERG, The Destruction of the European Jews, Holmes & Meier, New York, 1985, p. 987 [tr. fr. : La Destruction des juifs d’Europe, Fayard, [Paris], p. 853. – N.D.T.] 

[41]

« Bis 1950 : Buchenwald und Sachsenhausen », Amerika Woche [Chicago], 11 mai 1985, p. 3 ; « Im Todeslager der Sowjets », D. National-Zeitung [Munich], n° 47, 15 novembre 1985, p. 4 ; « Soviet Camps Busy, Berlin Paper Says », New York Times, 10 septembre 1949, p. 6.

[42]

Lettre d’E. Krombholz d’Aschaffenburg, « Erlebnisbericht aus einem Sowjet-KZ », D. National-Zeitung [Munich], n° 11, 9 mars 1984, p. 10. Voir également les dessins des conditions de vie à Buchenwald dirigé par les Soviétiques par l’ancien détenu Heinz Möller, dans : D. National-Zeitung [Munich], n° 6, 3 février 1984, p. 5. 

[43]

« Nazi Death Camp... » (AP), Gazette-Telegraph [Colorado Springs, Colorado], 1er juillet 1984, p. H12 ; « At Buchenwald... », New York Times, 14 avril 1985, p. 1, 29.


Akribeia, n° 4, mars 1999, p. 5-19


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