OÙ EN EST LA THÈSE DE NANTES ?
Henri Roques
Le 18 janvier 1988, le tribunal administratif de Nantes avait
confirmé l'annulation de la soutenance de ma thèse, annulation décidée par
le ministre R.P.R. Alain Devaquet et annoncée lors d'une conférence de presse
tenue le 2 juillet 1986 [1].
J'ai immédiatement interjeté appel devant le Conseil d'Etat.
Deux années ont passé et la plus haute juridiction administrative française
n'a pas encore rendu son arrêt. Néanmoins, il est intéressant de relever
l'avis exprimé publiquement par M. Didier Truchet, professeur à la faculté
des sciences juridiques de Rennes :
(...) l'administration a agi trop tard ; en avril 1986 encore, elle invitait l'intéressé à venir retirer son diplôme définitif. La décision attaquée était à mon avis illégale (Revue juridique de l'Ouest , 1988, 1, p. 25).
Donc, en ce début de 1988, le dossier de l'université de
Nantes devant le Conseil d'Etat apparaissait déjà peu solide. Depuis, il est
devenu encore plus fragile. L'affaire de la thèse de Nantes est même devenue
un argument électoral. En effet, le révisionnisme occupe les esprits de nos
hommes politiques. En février 1989, lors de la campagne précédant les
élections municipales dans le XIème arrondissement de Paris, M. Devaquet
était opposé au socialiste Georges Sarre, initiateur de la proposition de loi
du 2 avril 1988 visant à réprimer le révisionnisme. M. Devaquet n'a pas
craint, dans un tract intitulé «Lettre ouverte à Beate Klarsfeld»,
présidente du comité de soutien à Georges Sarre, de revendiquer la décision
d'annulation de ma soutenance de thèse. Curieusement, M. Devaquet omettait
complètement de signaler dans son tract l'enquête administrative du recteur
qu'il avait ordonnée et les prétendues irrégularités de forme révélées
par l'enquête et sanctionnées par l'université. Il fournissait ainsi la
preuve la plus flagrante de son excès de pouvoir.
M. Devaquet n'est plus ministre. L'université de Nantes se retrouve devant le
Conseil d'Etat en présence de deux éléments nouveaux : l'avis juridique
autorisé de M. Truchet et l'intervention abusive d'un ministre.
En mauvaise position, elle engage, en avril 1989, une nouvelle procédure qui
tentait de me faire inculper pour «fraude dans les examens et concours
publics», en m'impliquant tardivement dans une action déjà engagée contre le
professeur Jean-Claude Rivière, mon rapporteur de thèse, et contre une
employée des services administratifs de l'université de Nantes, qui,
finalement, ont bénéficié l'un et l'autre de la prescription.
Le Parquet requérait, le 12 septembre 1989, la poursuite de l'information
contre moi au motif que les recours que j'avais exercés devant la juridiction
administrative s'inscrivaient «dans un processus visant à [me] voir
reconnaître indûment un titre universitaire».
Le 14 septembre 1989, le juge d'instruction «dit n'y avoir lieu à plus ample
informer».
Le Parquet général n'est pas de cet avis et décide de poursuivre
l'information. La chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes ne suit pas
le Parquet général dans sa réquisition et, par son arrêt du 11 janvier 1990,
confirme l'ordonnance du 14 septembre 1989 concluant au classement de l'affaire.
Je n'ai plus qu'à attendre sereinement la décision du Conseil d'Etat.
[1] L'affaire de la thèse de Nantes a fait l'objet d'un article intitulé «De l'affaire Gerstein à l'affaire Roques», publié dans les Annales d'Histoire Révisionniste nº 3, automne-hiver 1987, p. 103-125.
Revue d’Histoire Révisionniste, n° 1, mai-juin-juillet 1990, pp 141 et 142
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